Anecdotes et variantes

« Cette plaine de Château-Thierry, couverte de Russes qui fuyaient à toutes jambes et que notre grosse cavalerie, chargeant en fourrageurs, poursuivait l’épée dans les reins, offrait un coup d’œil ravissant pour un militaire »[1].






« A trois quarts d’heure de la position d’Essise en suivant la route nos troupes de la Garde l’on atteint [l’ennemi] et par l’effet d’une seule charge qui a eu des suites jusqu’à près de Château-Thierry [par le général Laferrière] on lui a tué beaucoup de monde et pris du canon »[2].







« Ce fut là où nous apprîmes que sur notre droite, les jeunes dragons commandés par le général Letort, leur major, venaient de mettre en pièces un carré d’infanterie ennemie fort de 7 à 8 bataillons [?] et en avait fait un grand carnage. Ainsi les jeunes et les vieux dragons rivalisaient dans ces deux journées. Cette nouvelle nous électrisa et nous marchions, ou plutôt nous courions aux cris de « Vive l’Empereur! » Nous arrivâmes enfin au bout de la plaine, sur la crête des hauteurs de Nesles et là nous vîmes avec joie, mêlée de la crainte qu’ils ne nous échappassent, les restes des corps russes et prussiens fuyant dans le plus grand désordre et gagnant en toute hâte leurs ponts sur la Marne. Nous espérions que ces ponts seraient coupés et alors nous eussions pris cette armée, dont toutes les communications étaient coupées, comme dans une souricière. Jamais je ne crois, pareil spectacle ne s’était vu : toute l’armée réunie et en ligne, qui couronnait les hauteurs de Nesles en forme de demi-cercle, sa gauche à Nogentel et à la Marne et sa droite à la route de Châlons également sur la Marne. De là elle voyait, encombrée dans le fond et se précipitant sur la belle route ou avenue bordée d’arbres, qui de dessous Nesles conduit directement à Château-Thierry, toute l’armée ennemie. A cet aspect, d’une aile à l’autre, des cris mille fois répétés de « Vive l’Empereur! » se font entendre et sont immédiatement suivis des cris terribles « En avant! Tue… Tue… » Aussi l’infanterie de la Garde se précipita t-elle. Les troupes qui ne pouvaient donner trépignaient de colère et d’impatience »[3].

«(…) un grenadier descendit de cheval et entra dans le bois pour satisfaire un besoin; il eut à peine mis culotte bas, qu’il remarqua qu’il était au milieu des Russes et des Prussiens cachés dans ce bois. Surpris il se leva et à l’instant il appelle, mais des d’officiers ennemis lui apportent leurs épées et demandent le général; ils se rendent au nombre d’environ deux cents et on les fait sortir du bois et défiler devant nous; mais ils réclament pour toute grâce qu’on ne les remît pas entre les mains des paysans qu’ils craignaient avec raison car les paysans, exaspérés par le pillage de leurs propriétés et le viol de leurs filles et de leurs femmes, ne faisaient grâce à aucun[4]. »



« Nous passâmes la nuit en avant de Montmirail, sur la route de Château-Thierry, et le 12, de bon matin, on se mit à la poursuite de l’ennemi. La division des gardes d’honneur, dont je faisais toujours partie et qui était encore commandée par le général Defrance, reçut l’ordre de faire un mouvement à droite, afin de se porter entre Château-Thierry et l’arrière-garde des Russes. Arrivée à portée de canon de l’ennemi, j’eus l’ordre d’attaquer toute sa ligne avec mon régiment, les gardes d’honneur se retirant en observation. Comme j’avais affaire à une force d’une trentaine d’escadrons et que mon régiment n’en comprenait que cinq, je crus devoir attaquer par la gauche de la ligne, que je refoulai sur le centre. Par ce mouvement, j’attirai sur moi toute la cavalerie russe, et l’Empereur en profita pour attaquer avec sa garde la droite qu’il rompit, enlevant tut ce qu’il avait devant lui. Je repris alors la charge, et je poussai d’abord l’ennemi jusque dans les vignes. A ce moment, le maréchal Ney m’ordonna de poursuivre à outrance et d,attaquer un bataillon carré qui se trouvait dans la plaine, près de la Marne; je ne pus atteindre ce bataillon qui repassa la rivière avec précipitation, mai, au même instant, deux pièces de canon furent démasquées sur la rive droite et m’envoyèrent plusieurs volées, qui ne blessèrent dans mon régiment qu’un petit nombre de hussards. Je pris quantité d’hommes et de chevaux. Le rapport de l’Empereur porta cette mention : « le colonel Curély du 10e de hussards d’est fait remarquer. » On pourrait en dire davantage. Le soir, le maréchal Ney me fit prévenir que l’Empereur venait de me nommer général de brigade, et le lendemain je reçus ma lettre d’avis »[5].






Note

[1]
Griois, p. 289.
[2] Guyot, p. 245.
[3]
D’Autancourt, Notes historiques.
[4] D’Autancourt, Notes historiques.
[5] Curély, p.382-383.