À propos de l’organisation et des effectifs de la cavalerie de la Garde en février 1814
- Troisième partie -

La cavalerie de la garde à Montmirail

Au matin de la bataille de Montmirail, le 11 février, nous avons quelques certitudes sur la composition et les effectifs de la cavalerie de la garde. Débutons avec le plus évident, la 2e division de vieille garde que commande le général Guyot. À partir des témoignages, principalement celui du général d’Autancourt, nous savons que « (…)la division de la Vieille Garde composée des lanciers polonais commandés par le général Krasinski, et des chasseurs, formant la première brigade : les régiments des vieux dragons et des vieux grenadiers formaient la deuxième brigade dont le commandement avait été donné le 8 février 1814 au général Dautancourt, major des Polonais[1] ». Quant à lui, Guyot note pour cette journée :

« 11 février, pour Montmirail, couché au village de Marchais (5 lieues) – (…) Ma division et surtout les grenadiers et dragons ont beaucoup contribué au gain de cette affaire. J’ai pris 1500 hommes environ. Le temps est beau. J’ai été blessé à la figure par du caillou que m’a lancé un boulet[2] ».

Il s’agit de la première bataille importante que livre cette formation depuis le début de la campagne de France. D’Autancourt nous donne aussi l’effectif de chacun des régiments de sa brigade en date du 13 février :

Vieux Dragons :
Présents :
…………………………………………………….213
Détachés aux escadrons de services :
…………………104
Autres (blessés, démontés, en arrière):
………………….89
Total :
………………………………………………………....406

Vieux Grenadiers :
Présents :
…………………………………………………….390
Détachés aux escadrons de services :
…………………105
En arrière :
…………………………………………………….20
Total :
………………………………………………………....515

Total de la brigade :
……………………………………..…905

Il est à noter que cet état d’effectif apparait singulièrement bas. Pendant la bataille de Montmirail, ces deux régiments donnèrent. D’Autancourt chargea à la tête des dragons, les pertes furent sommes toutes légères, ainsi qu’il le rapporte lui-même : « Cette belle affaire ne coûta aux dragons que quelques tués, plusieurs blessés : ils eurent aussi 7 à 8 chevaux tués, au nombre desquels fut celui de l’officier commandant le premier peloton, en débouchant sur la ligne ennemie[3] ». Nous ne connaissons pas l’intégralité du prix payé par les grenadiers lorsqu’ils chargèrent un peu plus tard, mais leur affaire fut sans doute plus sanglante, comme le démontrent les deux officiers tués et les cinq blessés recensés par Martinien.

Il est donc permis de croire que la brigade d’Autancourt comptait autour de 1000 hommes au matin de la bataille de Montmirail. Quant à la brigade Krasinski, nous disposons de moins d’information. Rappelons toutefois que le 25 janvier, l’effectif du 1er régiment de chevau-légers lanciers polonais se chiffre à 623 combattants auxquels il faut ajouter environ 300 cavaliers du 3e éclaireurs [4]. Nous n’avons pas d’indications pour les vieux Chasseurs, mais il est raisonnable de croire qu’ils étaient entre 400 et 500.

Comme il a été mentionné précédemment, la 1re division de cavalerie de la garde, celle que commande le général Colbert, est avant tout celle des Lanciers rouges. D’Autancourt l’appelle « moyenne Garde » ; le 2e chevau-légers lanciers est effectivement considéré comme étant de moyenne garde. Selon Pawly, cette division comprendrait aussi des Polonais de la ligne[5], le 2e éclaireur, les Mameluks et les jeunes Chasseurs.

En effet, le capitaine Parquin à la tête de la 11e compagnie du 2e régiment de chasseurs à cheval de la garde a rejoint la veille de la bataille, avec une colonne qui est endivisionnée avec les troupes de Colbert. Sous les ordres du chef d’escadron Kirmann, c’est près de 600 hommes qui se joignent à cette division, dont l’escadron de mameluks. Malheureusement, ici encore, nous n’avons pas le détail de cette troupe. Parquin écrit sur la bataille de Montmirail : « J’y reçus l’ordre du général Colbert de charger avec ma compagnie(…)[6] ».

Après cette bataille, les Lanciers rouges n’étaient plus que 350 et leurs pertes s’élevaient à 139 hommes et 174 chevaux, nous pouvons présumer qu’ils devaient être autour de 500 au matin[7]. Par ailleurs, le 15 février, à Oulchy-le-Château, cette division se composait de[8] :

2e chevau-légers lanciers de la Garde : (15 officiers, 247 hommes)  262
2e éclaireurs de la Garde : (12 officiers, 241 hommes) 253
Lanciers polonais de la ligne : (6 officiers, 149 hommes) 155
Chasseurs et Mamelouks : (25 officiers, 297 hommes) 323
Total : 58, officiers, 934 hommes 
Grand total : 992


Qu’en est-il maintenant de la division Laferrière-Levesque, 2e division de cavalerie de la garde(bis) ? Très peu d’informations sont disponibles. Par déduction, nous pouvons croire qu’il s’agit des escadrons de jeune garde des dragons et grenadiers, plus probablement le 1er éclaireur. En effet, pour la journée du 12 février, jour de la bataille des Château-Thierry, D’Autancourt écrit :

« Ce fut là où nous apprîmes que sur notre droite,
les jeunes dragons commandés par le général Letort, leur major, venaient de mettre en pièce un carré d’infanterie ennemie fort de 7 à 8 bataillons et en avaient fait un grand carnage. Ainsi, les jeunes et les vieux dragons rivalisaient dans ces deux journées ».

Il ajoute que sa brigade ne chargea pas à Château-Thierry, c’est donc que les escadrons de jeune garde ne faisaient pas partie de la division Guyot. Comme nous l’avons vu, les jeunes chasseurs se retrouvent dans la division Colbert. Quant au 1er éclaireurs, puisqu’il n’est pas avec Guyot ni avec Colbert, il ne peut être que dans la division Laferrière-Levesque, ce qui place par ailleurs un régiment d’éclaireurs au sein de chacune des divisions. Sur l’effectif de cette division, presque rien ne transpire des fragments d’information dont nous disposons.



Le 1er Éclaireurs, d’après Rousselot

Il reste donc à réfléchir à la question des effectifs. À la veille de la bataille de La Rothiere, admettons les états de parade suivants pour chacune des trois divisions combattant en Champagne :

Laferrière-Levesque - 2000 sabres ;
Colbert - 1000 sabres ; et
Lefebvre-Desnouettes - 2000.

Étant donné les pertes importantes lors de cette bataille - 6000 hommes pour les Français - et que la cavalerie a beaucoup donné, il n’est pas irraisonnable d’avancer que ces deux dernières divisions ont perdu de façon permanente 30 % de leur effectif. Par exemple, Pawly écrit que les escadrons du 2e lanciers de la division Colbert dénombraient 440 lanciers au 1er février et que 240 seront perdus pendant la bataille, soit 55%. Pendant les combats d’arrière-garde qui suivirent, ce régiment perdit 55 hommes et 100 chevaux de plus[9]. Il est toutefois certain qu’une partie de ces pertes a pu revenir sous les armes ou être remontée. Ainsi, l’attrition quotidienne due aux marches, escarmouches, combats et désertions s’élève surement à 1% par jour. Nous savons par ailleurs qu’un renfort d’au moins 1500 sabres (colonnes de Nogent et de Kirmann) a rejoint entre la bataille de La Rothière et celle de Montmirail. Il est donc permis d’estimer que l’effectif de ces trois divisions lors de la bataille de Montmirail était plus ou moins le même qu’à l’époque de la La Rothière, soit au total entre 4500 et 5000 cavaliers.

- Quatrième partie

Notes

[1] Notes historiques du général D’Autancourt.
[2] Guyot, Carnets de campagnes.
[3]
D’Autancourt, Notes historiques.
[4]
« Au 8 mars, l'effectif du 3e Éclaireurs était de 66 officiers et de 794 hommes, dont à peu près la moitié était à l'Armée et l'autre à Paris » Brunon, p.56.
[5]
Pawly, 1997, p.75. Je n’ai pas trouvé d’autre référence à ce sujet. La présence de ces Polonais n’est pas impossible — tout est possible en 1814! —, mais je n’en suis pas convaincu.
[6] Parquin, p.342.
[7] Pawly, 1997, p.75.
[8] Idem.
[9] Idem.