L’arrivée en scène du Feldmarschall Blücher

Blücher était à 11 heures à Fromentières et recevait les rapports sur le mouvement de la cavalerie française. Il a déployé l’infanterie russe du General-lieutenant Kaptsevich sur la gauche, au sud de la chaussée. Puis, le General der Infanterie von Kleist, arrivé à la hauteur de Janvilliers avec les deux autres brigades de son corps d’armée, prend position à droite, la 10. Brigade entre ce hameau et la chaussée.

La
12. Brigade demeure en deuxième ligne. Comme Janvilliers était déjà aux mains des éléments avancés de la cavalerie française qui menaçaient son flanc, le Generalleutnant von Pirch I organise rapidement une attaque avec sa brigade et reprend le village sans trop de difficulté. Il y déploie deux batteries d’artillerie russe attachées au corps d’armée.

La cavalerie française sur son aile droite constitue une menace imminente. Le Feldmarschall ordonne donc à la seule cavalerie disponible, la brigade de l’Oberst Graft Haacke, de changer sa position de la gauche à l’extrême droite afin de couvrir le mouvement de Grouchy[1]. C’est donc au Schlesisches Kürassier et 8. schlesisch Landwehr-Kavallerie-Regiment qu’échoit l’impossible tâche de contenir les deux corps de cavalerie de ligne de ce dernier, plus la division Guyot qui suit, soit une masse d’environs 6000 cavaliers. Le 3e bataillon du 7. Reserve-Infanterie-Regiment, 10. Brigade va se retrancher dans la ferme de Sarrechamps. Son sacrifice contribuera à ralentir le mouvement des Français. Sur un effectif de 7 officiers et 322 hommes, 6 officiers et 108 hommes furent tués, la plupart des autres furent blessés et pris[2].


La ferme de Sarrchamps, tel qu’on peut la voir aujourd’hui. Une véritable forteresse!
Photos :
© Jean-Pierre Le Port


Les généraux Griois[3] et d’Antancourt furent témoin de l’attaque de la ferme de Sarrechamps. Griois fit diriger sur ce point un canon et un obusier qui ouvrirent le feu à bout portant. D’Autancourt explique :

« L’ennemi qui était à Vauchamps venait d’être enlevé ; sa retraite s’effectuait sur la route de Châlons et nous marchions sur lui. Nous prîmes à gauche de la route et fûmes un instant arrêtés par quelque infanterie ennemie qui, placée dans une maison isolée environnée d’un mur, y avait été abandonné et ne se fit connaître qu’en nous fusillant. Les chevau-légers (mon régiment), sous le commandement du général Krasinski, qui tenait la tête de la division, ripostèrent par leurs tirailleurs. J’arrêtai ma brigade devant cette bicoque qui, je crois, s’appelle La Villeneuve, et m’en approchai ; mais les coups de fusil partant de la maison et des jardins me renvoyèrent. Ces gens ne pouvaient nous échapper et, tandis que je tournais cette propriété par ma gauche, il arriva quelques fantassins français [des grenadiers de la garde selon Griois] qui, en un moment eurent escaladé les murs. Des chevau-légers polonais qui avaient mis pied à terre y entrèrent pêle-mêle avec eux et on fit main basse sur cette poignée d’ennemis qui, s’étant défendus, furent mis en pièces pour la plupart. Le général Krasinski, lui-même, fut de cette attaque et entra dans cette propriété avec l’infanterie ; quelques hommes essayèrent de se sauver par les derrières, je les fis arrêter[4] ».

Le soudain retour offensif du corps de Marmont et l’apparition d’importantes colonnes de cavalerie ne présageaient rien de bon pour Blücher : sans doute que Napoléon ne s’était pas déplacé sur la Seine! Comment en a-t-il eu confirmation? Les cris de
Vive l’Empereur! qui accompagnent les assauts de l’infanterie française, ou la capture d’un capitaine de la garde comme l’avance Müffling? Chose certaine, l’offensive qu’il avait initialement prévue doit vite se transformer en repli. Impossible de rester à découvert en plaine avec un tel déficit de cavalerie.


Les régiments de cavalerie de landwehr de Silésie furent présents à Vauchamps et à Montmirail.
Illustration de Knötel.



En route pour le champ de bataille de Vauchamps, le chef de bataillon Girod, aide de camp du général Curial se souvient de sa rencontre avec Napoléon :

« La division se forma à droite et à gauche de la grande route, en colonnes en masse; pendant que je suivais le mouvement d’une de ces colonnes, j’eus une nouvelle occasion de voir l’Empereur de près, et dans une singulière situation...; le récit que j’en fais serait assurément peu digne de l’histoire; mais, comme il est bien entendu que ce n’est pas de l’histoire que j’ai la prétention d’écrire, mais de simples souvenirs, on me pardonnera ce détail : L’Empereur donc avait mis pied à terre, au beau milieu d’un champ, pour satisfaire certain besoin, quand la colonne que je suivais lui vint directement dessus…; il ne se dérangea pas le moins du monde, et laissant complètement à découvert ce que, d’ordinaire, on met quelque soin à dissimuler, se laissant coudoyer successivement depuis la tète jusqu’à la queue de cette épaisse colonne, par les hommes sur le chemin desquels il se trouvait, il acheva tranquillement son affaire; témoin involontaire de ce tableau, je restai là à cheval en face de lui et jusqu’après le défilé de toute la colonne[5] ».


Notes

[1] L’effectif de cette brigade est de 700 cavaliers selon Janson p.277.

[2] Zelle, p.140. Plotho semble ici avoir fait une erreur en écrivant que cette mission fut donnée au Brandenburgische Kürassier voir von Briesen, Kriegsgeschichtliche Erläuterung, publié dans Militair-Wochenblatt, no, 3, 1818, pp. 580-581.

[3] Griois, p.290-291.
[4] D’Autantcourt,
Notes historiques.

[5] Girod de l’Ain, p.348-349.