Rapport du général Grouchy – 14 février 1814

Sire,
Les deux corps de cavalerie, commandés par les généraux Doumerc et Saint-Germain, se sont conduits, dans la journée qui vient de s’achever, avec trop d’intrépidité et d’aplomb, pour que je ne m’empresse de leur rendre, près de Votre Majesté, le juste témoignage que leur conduite mérite. Ayant constamment manœuvré de manière à déborder l’ennemie et à arriver sur sa route de retraite, j’ai été assez heureux pour atteindre ce but; à peine l’attaque commençait, le 1er corps de cavalerie a été porté au-delà du village de Vauchamps et du bois de ce nom; j’ai fait charger sur les batteries ennemies; 4 pièces et 5 caissons ont été enlevés, et 3000 hommes d’infanterie ont été coupés, mon aide de camp Rogé les a sommés de se rendre, et leur a fait mettre bas les armes.

Continuant à déborder l’ennemi, malgré le feu de son artillerie, je suis arrivé avant lui au delà de Champaubert au défilé d’Étoges; là ses masses ont été abordées et enfoncées, et un épouvantable massacre a été fait; 4 pièces de canon et nombre de caissons ont été enlevés sur ce point; le 2e corps de cavalerie s’y est couvert de gloire; les carabiniers on fait nombre de charges, plus glorieuses les unes que les autres, et la totalité des corps ennemis eut été enlevée, si l’infanterie eut pu les attaquer simultanément, et si l’artillerie eut été à même de suivre la marche rapide de la cavalerie; la nuit, qui étoit close quand nous sommes arrivés au parc d’Étoges, n’a pas permis que les derniers trophées de la journée fussent coeuillis par elle, il étoit réservé à l’infanterie de M. le maréchal duc de Raguse de faire les derniers prisonniers dans cette belle journée; mais les troupes à cheval sont heureuses, si Votre Majesté est satisfaite de leur conduite.

En attendant que je puisse faire connoître à Votre Majesté les braves qui se sont particulièrement distingués, j’ose recommander à ses particulières bontés mon aide de camps chef d’escadron Rogé, auquel je supplie Votre Majesté d’accorder le grade de colonel et mes aides de camp capitaines Pont-Bellanger [1], Fontaine et Vial pour lesquels j’ai l’honneur de vous demander, Sire, le grade de chef d’escadron; ces officiers ont dirigé presque toutes les charges avec autant d’intelligence que de vigueur.

Je suis avec le plus profond respect,
de Votre Majesté, Sire,
Le très fidèle sujet,

Le colonel général commandant
en chef la cavalerie,

Comte de Grouchy

Étoges, le 14 février, onze heures du soir.



Notes

[
1] Le capitaine Charles-Félix d’Amphernet, vicomte de Pontbellanger, représenté sur ce tableau en uniforme du 6e Hussard, sera effectivement nommé chef d’escadrons quelques jours plus tard. Voir cette intéressante biographie.